Petite biographie
La peinture

René Moreu est né à Nice en 1920, un 11 novembre. Mais il vécut ensuite à Marseille jusqu’à la guerre. Il découvre le cubisme, qu’il pratique pour décorer le bistrot familial avant d’entrer dans un atelier fondé par Giono et fréquenté par les jeunes promoteurs d’une « école marseillaise ». Il travaille aussi dans l’imprimerie. Survient la guerre. Réfractaire, Moreu doit passer en zone nord, où il accomplit des missions pour la Résistance, tout en fréquentant la Grande Chaumière. En 1943, une affection dont il ne savait pas être atteint lui fait perdre quasiment la vue. Ce n’est que dix ans plus tard que des implants lui permettront de revenir quelque peu au dessin et à la peinture.

En 1957, Moreu retrouve le peintre Cobra Jacques Doucet, qu’il avait connu sur les barricades de la Libération. Ils travaillent ensemble dans la petite maison de torchis acquise au creux d’un village de l’Oise. Là naîtront les Floraisons murales et aussi les Morilles, dont Doucet introduit l’exposition galerie du Passeur en 1967. A partir de cette date, René Moreu est régulièrement accueilli au Salon de Mai, avec de grands noms demeurés tels. Jusqu’à l’interruption de 1975, en même temps que sa vue, de nouveau, se détériore. Malgré une rétrospective à la Maison de la Culture d’Amiens, c’est un grand choc, et un retrait intime.

Le peintre se met plus encore à l’étude des choses, assemblées en collages qu’il nomme les Rustiques et montre en 1976 à la galerie La Roue. Il y aura aussi, au début des années 80, les Casiers mirobolants, mosaïques byzantines d’objets enchâssés, des Poèmes verticaux. En 1990, il participe à la création de la revue L’ Œuf sauvage. Puis s’opère un retour à la peinture avec les Jardins, et l’importante série des Pictogrammes... Après Compiègne en 2001, la Halle Saint-Pierre à Paris lui consacre une rétrospective en 2003, avant le château de Vogüe en Ardèche en 2005 et le Musée de la Création Franche de Bordeaux-Bègles en 2011. Et le LaM, ce musée dont la particularité est de permettre un dialogue entre l’art moderne, l’art brut, l’art naïf et les arts contemporains, lui offre de nouvelles perspectives en l’accueillant à Villeneuve d’Ascq, près de Lille.

Jean Planche

L'illustration

L’illustration occupa dans la vie du peintre une place importante et cela sous deux formes distinctes. Dès 1945, René Moreu est désigné comme rédacteur en chef de Vaillant, journal illustré pour enfants qui prend la suite en s’y substituant du Jeune Patriote, né dans la clandestinité en 1942, légal à partir d’octobre 1944. Ce fut une aventure de pionnier que de découvrir et rassembler les talents nécessaires pour créer un illustré pour enfants qui devait ouvrir à ce que l’on nomme la bande dessinée une voie différente en France de ce qu’elle était aux États-Unis. Ce fut une aventure mais différente, de concevoir et dessiner des images destinées aux livres pour enfants, dans un style où l’on peut retrouver tant le goût du peintre pour le végétal et ses enchevêtrements que le mystère d’un tracé brut, rustique, et néanmoins ou à cause de cela hautement sensible.

René Moreu a illustré une quarantaine de livres : documentaires, contes, poésies ou récits d’auteurs renommés, se distinguant par une imagerie très expressive. Les Secrets de la forêt vierge d’Alain Gheerbrant et Les Contes du Grand Nord de Luda paraissent en 1954 (L.I.R.E.). De 1956 à 1974, il publie principalement aux éditions La Farandole. Il collabore avec Jean Ollivier à une série d’histoires naturalistes : Quand la neige tombe (1959), Au bord de la mer (1961) et à des documentaires très soignés, Les Saltimbanques (1962), Aventures des quatre mers (1964), Au pays des Indiens (1966). Il reçoit le prix décerné par le Comité permanent des expositions du livre et des arts graphiques français pour Les Maîtres de la forêt et autres contes de bêtes (Luda, 1958) et pour La Mandarine et Le Mandarin de Pierre Gamarra (1970). Il réalise pour Nathan la série des Jojo en 1962 et illustre, à la demande de Paul Faucher, La Montagne du souriceau de Luda (« Albums du Père Castor », 1963).

On retrouve dans l’imagerie de Moreu son attachement profond à la nature : foisonnement végétal, bêtes familières, aux expressions toujours justes et bien croquées ; les personnages dessinés d’un trait vif, pétillent de vie (Chansons de ma façon, Les Mystères de la Berlurette de Pierre Gamarra, 1962 et 1969). L’utilisation des masses de couleur, leur dessin, leur mise en page, témoignent de la maîtrise du peintre qu’il est essentiellement (Hélène et les oiseaux de Raymond Jean, 1965). Son travail est salué dans la presse par Marc Soriano, Natha Caputo, Isabelle Jan, et il est invité à participer en 1967 aux Salons internationaux autour de la littérature de jeunesse (musée des Arts et Métiers de Zürich, Bibliothèque des enfants de Clamart).

Dominique Thibaud
Dominique Thibaud qui a d’abord découvert René Moreu par sa peinture, et qui a maintes fois exposé celui-ci dans sa Galerie Mirabilia en Ardèche ou au château de Vogüe, s’est aussi consacrée, elle qui dirigea la bibliothèque d’Aubenas, à faire redécouvrir l’illustrateur remarquable que fut le peintre René Moreu